Pour les Mozartiens
Articles d'époque
Dimanche 06 Janvier 2019
Revue Musicale par Max BERTHAUD :

La dernière partilion qui a vu le jour à cette scène est l'Oie du Caire, œuvre inédite et inconnue de Mozart, à ce que l’on prétend.
La primeur en avait été offerte dans le salon de M. Emile de Girardin.qui ambitionne tous les genres de gloire. Ce petit opéra-bouffe, qui est très authentique bien qu’il n’en soit nullement question dans les biographies de Mozart, nous a été révélé par l’éditeur André d’Offenbach.

Vendu par la veuve du compositeur avec bon nombre d’autres manuscrits, il a été publié il y a une dizaine d’années, et l’Allemagne a été unanime pour y reconnaître la main du maître. Des renseignements dignes de foi nous apprennent, en effet, qu’il a été écrit vers 1784, c’est-à-dire entre l'Enlèvement au sérail et les Noces de Figaro.

C’est l’enthousiasme avec lequel Mozart travailla à cc dernier opéra qui lui fit abandonner l'Occa del Cairo, destiné au théâtre italien de Vienne et qui ne fut jamais achevé, il n’en reste en tout que deux actes. Le livret, par un sort semblable, est aussi resté en route et c’est avec ces débris traduits, remaniés pour la scène française par M. Wilder, qu’on a reconstruit cette jolie petite partition qui, de par le génie, est bien une œuvre de Mozart.

La seconde partie est très amusante; le dialogue, qui est en vers, est très spirituellement écrit ; ce livret, premier essai de l’auteur, est du plus favorable augure. M. Wilder voir préface partition, dont nos lecteurs n’ont certainement pas oublié le savant travail sur les Rhétoriques en Flandre, sera avant peu un de nos meilleurs librettistes.

Voici, en quelques mots, le menu de celle bouffonnerie, qui se passe en Espagne, dans l’Espagne chimérique des tuteurs jaloux, des pupilles aussi adroites que belles, et des amoureux comme on n’en voit plus.

Don Beltran est un vieux barbon, un Bartholo qui tient sa pupille sous clef, en attendant qu’il l’épouse ; de même que Rosine, la senora Isabelle a un galant; cet amoureux est le propre neveu de don Beltran. Les deux amoureux, aidés dune soubrette et d’un valet, font tomber les grilles et les verrous du vieux tuteur, qui tient registre de toutes les ruses amoureuses, mais qui ne songe pas que les oies, qui ont sauvé le Capitole, peuvent aider à jouer de bons tours aux maris et aux tuteurs.

Don Beltra a été marié, il se croit veuf; mais sa femme n’est point morte, loin de là : elle a été successivement l’épouse du sultan, d’un corsaire et d’un danseur, et de chacun de ses amants elle a gardé un témoignage vivant.

C’est au moment où le tuteur va signer le contrat de mariage, que l’épouse inattendue arrive au cœur de la place, comme Ulysse dans le cheval de Troie, dans les flancs même de la mère oie qui recèlent outre l’épouse très vivante, trois enfants que la fidèle Pénélope rapporte à la communauté.

Tout cela est fort gai et fort bien joué aux Fantaisies-Parisiennes, Les allures, dans les premières scènes, sont un peu indécises; mais dès le milieu du premier acte, la comédie se dessine franchement et le rire gagne toute la salle. Le rôle de l’eunuque est surtout merveilleux. MM. Geraizer, Masson et le ténor Laurent, que l’on a fort heureusement exhumé de l’Athénée, et qui ici est vraiment charmant, Mme Geraizer et Mlle Arnaud sont des interprètes fort habiles. Ils ont été fort applaudis chez M. de Girardin ; ils le sont bien davantage dans la jolie petite salle du boulevard des Italiens.

M. Bonnet n’a rien à chanter, mais il a su faire un rôle principal d’une caricature d’eunuque qui, comme le cadi du Calife de Bagdad, n’a qu'une seule scène.

Quant à la musique, elle est ravissante de fraîcheur, de verve, d’esprit. C’est une bouteille de vin de Champagne. Tout pétille, tout étincelle, et à chaque instant la salle se soulève de gaîté et de ravissement. Certainement, celle partition n’est pas une œuvre juvénile de Mozart ; elle porte la date qui est attestée par la grâce mélodique, le bon sentiment musical, la maturité de la forme, l'ampleur et la distinction de l’harmonie. On dirait que Rossini a écrit le finale du second acte, qu’on fait toujours répéter sans pouvoir assez l'admirer. Signalons aussi l’air du ténor, les couplets de la soubrette et un duo d’amour qui ne serait pas déplacé dans le Barbier.










Revue internationale de la musique :

UN OPERA INEDIT DE MOZART. — On parle beaucoup, dans le monde artistique, d’une mystification qu'aurait commise l’une de nos gloires musicales, F.-A. Gevaert. Il ne s’agirait de rien moins que d’un opéra écrit par lui sous le nom de Mozart, et cet opéra ne serait autre que l’Oie du Caire, jouée récemment aux Fantaisies-Parisiennes avec un succès d’enthousiasme. C’est le courriériste parisien de l'Etoile belge qui le premier a démasqué, comme il dit, l’auteur de la prétendue supercherie, et depuis, la fameuse révélation passa dans plusieurs autres journaux. Or, qui est le mystificateur ici ? C’est ce qu’il sera aisé de démontrer en quelques lignes.

L’opéra exhumé date de 1783, et vient se placer entre l'Enlèvement du Sérail (1783) et les Noces de Figaro (1786). Diverses lettres que Mozart écrivit à son père servent de preuves à cet égard. Dans l’une d’elles on lit ceci, à propos de l'achèvement du premier acte de l'Oie du Caire: "Je serais au désespoir si une telle musique devait rester sans emploi", c’est à dire si Varesco (le librettiste) ne consentait à faire à sa pièce des modifications indispensables. » Ce Varesco, homme intraitable, ne souscrivit malheureusement à aucun changement important, et l'opéra alla rejoindre les manuscrits condamnés dans la poussière d’une armoire.

A la mort de Mozart, ses manuscrits, recueillis par sa veuve, passèrent entre les mains du conseiller André, et en 1861, l'un des héritiers de l'acquéreur qui est éditeur de musique à Offenbach , publia l’Oie du Caire. C'est alors que notre compatriote Van Wilder , l'élégant traducteur de l’oratorio le Parodie et la Péri de Schumann, conçut l'idée de transporter l’œuvre au théâtre, en bâtissant une pièce entièrement nouvelle, tout en conservant intacte la donnée des morceaux de musique. Elargissant le cadre, il fit deux actes au lien d’un, et trouva le moyen d'utiliser trois morceaux étrangers à l’ouvrage original, lesquels il emprunta àâ deux fragments d'opéras abandonnés par le maître.

Il restait à instrumenter certains passages simplement indiques par Mozart, car le musicien, écrivant avec la spontanéité du génie, se contentait parfois de disposer son chant et son instrumentation, en laissant inachevés quelques menus détails d’orchestre. Uu élève d’Ambroise Thomas, second grand prix de l'Institut, M. Charles Constantin, actuellement chef d'orchestre des Fantaisies Parisiennes, voulut bien se charger de cette tâche délicate. Telle est l’histoire exacte de l'Oie du Caire, Ces faits sont trop bien établis pour qu'aucun doute puisse subsister, l'amateur qui a cru â une supercherie, sera désabusé plus complètement encore, s'il veut lire l'excellente préface que M. Van Wilder a placée en tète de l'édition française de l’opéra exhumé. Tous les faits y sont établis avec pièces à l’appui.

Non-seulement l’Oie du Caire est de Mozart, mais du Mozart de la bonne époque, comme la critique compétente l’a déclaré unanimement.

Bruxelles sera-t-il longtemps encore privé de l’audition
du chef-d’œuvre ? Le nom de Mozart ÿosl si vénéré et si populaire que j’ose croire d’avance h un succès retentissant, si quelque directeur intelligent veut bien nous gratifier de la représentation.

W.





Revue de la Musique Dramatique en France Par F. CROZET

L’Oie du Caire, opéra inédit de Mozart, réduit en deux actes, représenté sur le théâtre des Fantaisies-Parisiennes au mois de juin 1867.

Un jeune musicien, voyageant en Allemagne, a trouvé et rapporté à Paris l'Oie du Caire, dont on a pieusement respecté le texte musical. Un librettiste très-bien inspiré, M. Wilder, a resserré en deux actes le canevas de la pièce et l’a brodé de vers charmants. L’intrigue est assez simple ; il s’agit d’un vieux tuteur qui prétend épouser sa pupille au nez d’un soupirant qu’elle aime ; seulement il se croit veuf, mais sa femme existe toujours, et elle fait sa rentrée après dix ans par un stratagème qui rappelle le Cheval de Troie : c’est des flancs d’une oie monstrueuse quelle sort tout à coup avec ses nombreux enfants, et apparaît aux yeux terrifiés de son mari.

Sur cette donnée burlesque, Mozart a écrit une musique d’une élégance et d’une grâce qui ne pâlirait ni à côté des Noces ni à côté de la Flûte enchantée. C’est le babil instrumental le plus délicat accompagnant un chant d’une mélodie exquise.



Revue internationale de la musique :
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